samedi 22 septembre 2018

Voyages en pays Le Bussy

Jusqu’à peu, je ne connaissais pas du tout les livres d’Alain Le Bussy ; je ne connais cet auteur que par le prix qui porte son nom. Par curiosité, j’ai donc récupéré la plus grande partie des livres qu’il a publiés au Fleuve Noir pour explorer son univers.


Je me suis d’abord penché sur Deltas, son seul livre ayant reçu un prix, le Rosny aîné en 1993 et son premier livre présentant cet univers. La déception fut rapide : malgré un univers assez original, qui me rappelle La Compagnie des Glaces dans bien des aspects, l’histoire n’ a pas vraiment de structure centrale et on a à faire à une suite de péripéties qui manquent chacune de développement et de cohérence d’abord une histoire de lutte entre deux navires (63 pages), puis la découverte d'une épave (62 pages), puis un enlèvement par des pirates (44 pages). Ces histoires n'ont pas vraiment de liens entre elles.
Les personnages sont particulièrement ternes, creux et peu attachants. L’écriture est souvent lourde et maladroite. Le pire est la fin sans queue ni tête qui arrive comme un cheveu sur la soupe et qui ne conclut rien. Les tomes suivants, Tremblemer et Envercoeur, ne corrigent en rien cette fin et s’enchaînent très mal après ce premier volume. Ce qui s’avère peu étonnant ; un proche de la famille de l’auteur m’ayant expliqué que Deltas avait été écrit comme un one-shot et que les livres suivants dans ce monde avaient été une commande de l’éditeur pour capitaliser le succès de Deltas et donc non prévu initialement.

Tremblemer et Envercoeur sont encore plus mauvais : l’écriture, la construction de l’histoire (l’absence de) et les personnages ne s’améliorent pas, bien au contraire, cela fait rapidement remplissage plus qu’autre chose.



Bref, Deltas et ce cycle d’Aqualia ne valent pas grand-chose ; encore une fois les prix en SF sont vraiment de qualité douteuse.


Je me penche ensuite sur son cycle d’Yorg. Là encore, je n’ai pas tenu longtemps et abandonné dès le tome 1, Yorg de l’Île, bien qu’ayant récupéré tous les volumes. L’écriture est moins poussive que dans Deltas, mais on a à faire a du post-apocalyptique, genre que je n’aime pas beaucoup en général. La narration est alternée entre une époque quasi contemporaine où l’on suit un groupe préparant des abris souterrains contre une catastrophe à venir et une époque plus tardive où un groupe de nomades-primitifs sont en mode survie dans un monde post apocalyptique. La partie contemporaine est lisible, mais sans grand relief - ni dans son histoire ni dans ses personnages. La partie post-apo est, elle, affreuse et tombe dans les clichés des nomades concons primitifs dans un monde barbare sans saveur et simpliste. J’abandonne donc rapidement de cycle qui ne me sembla pas plus prometteur qu’Aqualia.


Un peu inquiète, je commence Le mendiant de Karnathok et là, très bonne surprise : on est tout de suite pris dans l’action. L’univers de science-fiction a un petit côté Vancien ; mystères, péripéties et suspense montent admirablement. C’est une lecture facile et prenante même si parfois les cliffhangers sont un peu forcés, on se laisse porter avec plaisir jusqu’à la fin. Hélas, celle-ci est effroyable. Bâclée, elle gâche littéralement toute l’histoire ; les révélations ne tiennent pas debout et sont trop simplistes, ruinant tout le suspense et la crédibilité mise en place. Dommage, on n’était pas loin des Jack Vance style Alastor ou Prince-Démon pendant la plus grande partie du livre ce qui est quand même pas mal.

Ensuite, je tente et abandonne rapidement Nexus de feu : trop contemporain et à la narration trop boiteuse pour mes gouts. On y suit une journaliste dans une enquête à peine crédible alternée avec les évolutions d’une créature spatiale dont on devine un vague rapport avec l’histoire principale. Cela doit probablement se dénouer à la fin, mais cela fait trop polar bas de gamme dans le style d’écriture et dans la pauvreté des personnages pour que je me rende jusqu’à là…


J’attaque ensuite avec curiosité son cycle d’héroïque-fantasy avec le premier tome de celui-ci : Chatinika. Là, c’est absolument effroyable et d’une nullité insondable. Non seulement le monde est bête et simpliste, les personnages archétypaux et creux, mais le tout est écrit par un illettré. À tous les niveaux, on a vraiment l’impression que ce livre a été écrit pas un adolescent de 13 ans. J’imagine que Le Bussy a refourgué aux éditeurs ses textes de jeunesse. À éviter absolument.

Puis vient Déraag, retour à de la science-fiction/fantasy de type Vancien, proche de Tschai cette-fois. Le monde est vraiment très bien, le héros rapidement prit dans une intrigue pleine de suspense et de rebondissements avec plusieurs personnages attachants. Vraiment une bonne histoire où, encore une fois, on se laisse emporter dans ce planète-opéra très réussie et pleine de rebondissements. La tension monte jusqu’aux 5 dernières pages où l’auteur, comme toujours, ne sait pas finir convenablement son récit et bâcle littéralement la fin en 2 pages, jetant pas la fenêtre tout ce qu’il avait habilement construit. Vraiment dommage, il y avait là un très bon potentiel. Cela reste globalement une agréable lecture, mais cela aurait pu être beaucoup plus, on regrette vraiment que Le Bussy n’ait pas eu de direction littéraire chez son éditeur.

Soleil fou est encore de la Sf, un planète-opéra, mais je décroche ici à la moitié du livre. Le début est poussif et cela prend un tiers du livre pour mettre en place la direction de l’histoire. On suit un extraterrestre félin aux capacités de combat extrêmes, mais qui reste un primitif ; il va toutefois essayer de sauver sa planète. Hélas, on tombe dans le cliché du superhéros primitif qui manque de crédibilité. De plus, la situation de la planète et de la société des fameux hommes-chats primitifs semble bien peu réaliste et manque cruellement de couleur et vie. Bref, c’est pénible à lire.

Et pour finir, je lis Equilibre. Et là, grande surprise : c’est vraiment excellent ! ... sauf la fin, et oui encore une fois. Mais là on est encore dans une autre dimension, car tout y est : les personnages fouillés, la planète originale et dépaysante, les extra-terrestres mystérieux et pleins de finesse, une montée dramatique franchement réussie, etc. C’est vraiment prenant.

L'intrigue et les personnages sont une vraie réussite : on est au niveau des meilleurs auteurs américains ici avec en plus une approche de la Sf, des extraterrestres et des relations géopolitiques avec les humains assez fine et fort crédible. Le livre est un vrai page-turner avec une montée dramatique vraiment excellente. Hélas, Le Bussy ne sait toujours pas finir un livre, ici c'est moins atroce que d'habitude, mais cela se termine comme un pétard mouillé, ce qui empêche ce livre de devenir un classique de la SF francophone.
Toutefois, si un jour on me demande ce que c'est la science-fiction à la Française, je dirai sans hésitation Équilibre de de Bussy (ce qui est un parfait exemple vu qu'il est belge !).
Aussi, on trouvera dans le monde et dans la situation présentée une jolie et légère allégorie à la situation politique belge. Si seulement l’auteur avait eu un directeur littéraire pour éviter cette fin décevante. Si un livre de Le Bussy aurait bien dû recevoir un prix pour sa qualité, c’est bien celui-ci et non le faible Deltas.

Au final, j’ai donc trouvé que les livres d’Alain Le Bussy au Fleuve allaient du nullissime (Chatinika ) au très bien (Équilibre), ce qui est un grand écart assez impressionnant pour une même auteur. Le style n’est pas son fort, on est dans de l’écriture populaire, et les constructions sont souvent un peu hasardeuses (ce qui se voit beaucoup sur les fins), mais de temps en temps il s’en sort vraiment pas mal du tout comme raconteur d’histoire.

Je vais maintenant me procurer ce qu’il a publié chez les autres éditeurs, tout particulièrement ses nouvelles dont je suis fort curieux de voir la qualité.

Si vous voulez lire quelque chose de cet auteur, voici donc mes conseils à ce jour ; dans l’ordre (et évitez le reste) :

1. Équilibre
2. Deaarg
3. Le mendiant de Karnathok




vendredi 3 août 2018

Nouvelle publiée : Dimension Aéropostale


Une de mon nouvelle, "Les Sesquiplans de l’Aéropostale", sort dans cette anthologie chez Rivière Blanche sous la direction de Manuel Essard.

Pour une fois, c’est un récit à la première personne, narration que j’utilise rarement. Autre particularité, cette histoire a été écrite tout spécialement pour cet appel à texte ; ce que je fais rarement.

Il faut dire que le thème m’était proche, pas tant l’Aéropostal et Saint Exupéry dont je ne suis pas un si grand fan, mais plus l’aventure de l’aviation et des biplans de la Première Guerre mondiale. On retrouve dans mon histoire une partie de ces thèmes dont les fameux sesquiplans (biplans aux ailes de tailles différentes, comme les Nieuports), ainsi que des références à la révolution russe. Je me suis un peu inspiré du témoignage historique de Heydemarck :


N’étant pas un véritable expert en aviation j’ai fait relire ma nouvelle par des amis pilotes de ligne et pilotes amateurs de ma connaissance afin de m’assurer de sa crédibilité - et ils ont plutôt bien aimé ce qui a été encourageant.

Voilà donc une nouvelle dont je suis assez content, car un peu en dehors de ce que j’écris habituellement.

De plus, il me reste encore quelques idées sur ce thème et une suite à cette histoire pourrait peut-être voir le jour dans le futur.

Livre papier disponible ici.

dimanche 17 juin 2018

Nouvelle publiée : Une Bague Sous la Pluie


Voici donc ma deuxième nouvelle publiée dans le e-zine gratuit Fantasy Art and Studies numéro 4. Celui-ci est disponible ici : https://fantasyartandstudies.wordpress.com/journalrevue/

Cette nouvelle aurait pu aller dans un autre magazine, mais je suis content d’avoir un texte sur un support gratuit et accessible à tous.


Pour la petite histoire, cette nouvelle est née un peu bizarrement. Depuis plusieurs mois, je travaille sur une nouvelle victorienne s’inspirant des d’Honoré Beaugrand et d’autres de Fritz Leiber. Seulement voilà, je n’arrivais pas à la boucler de manière satisfaisante ; j’ai alors décidé de couper pas mal de scènes pour clarifier l’histoire et pour apporter une meilleure chute.
Mais j’aimais bien nombreuse de ces scènes coupées : j’ai donc décidé de faire une histoire à part avec ces chutes. C’est ainsi qu’ « Une Bague sous la Pluie » est née - elle contient en grande partie les éléments inspirés par Leiber.

Et en attendant, je n’ai toujours pas réussi à terminer la nouvelle d’origine…

jeudi 8 mars 2018

De la méthode Sanderson : l’alpha lecture

Voici un petit retour d’expérience après avoir essayé pendant 13 semaines un groupe d’alpha lecture « sandersonien ». Maintenant, je comprends pourquoi Sanderson met autant en avant cette étape dans l’écriture tant les effets sont puissants.


Brandon Sanderson, auteur de Fantasy bien établi (dont je ne suis pas trop fan des livres au passage), est aussi professeur et donne des cours universitaires sur l’écriture de Sf et de Fantasy. J’ai longuement regardé ses vidéos que je trouve très bien : c’est un professeur clair et structuré qui explique avec générosité toutes ses méthodes ainsi que ses expériences dans les littératures de l’imaginaire.

Un des éléments obligatoires de ses cours pour les étudiants qui les suivent est la mise en place de groupes d’alpha lecture pour les aspirants auteurs. Lui-même, en tant que professionnel établi, continue à utiliser un groupe Alpha qu’il juge indispensable dans son travail. La structure de ces groupes est expliquée ici :


Donc, 4 d’entre nous avons mis en place un groupe de lecture alpha hebdomadaire soumettant entre 1000 et 4000 mots (pour les nouvelles) chacun. Notre structure est de prendre un texte à la fois, de faire un premier tour de table sur ce qui nous a plu, puis un deuxième sur ce qui n’a pas marché et enfin une phase où l’auteur peut poser des questions ou faire des commentaires. Nous avons utilisé la règle d’or de Sanderson : la personne dont le texte est passé en revue ne peut pas parler. Globalement, cela marche bien, même si la structure est perfectible. À 4, cela nous prend 20 à 30 minutes par texte. Nous avons remarqué que la longueur du texte n’affecte pas directement le temps passé dessus - c’est de l’alpha, donc la syntaxe n’est pas abordée, au profit des éléments structurels et des problématiques de compréhension.

Comme l’indique Sanderson, la qualité et la précision des retours évoluent avec l’expérience des participants. Néanmoins, dès le début l’utilité du processus m’est nettement apparue. À mon niveau, j’ai utilisé environ 80% des commentaires sur mes textes (Sanderson lui n’en n’utilise plus que 30%) qui dans mon cas concernent la plupart du temps : les motivations des personnages qui me semblaient évidentes et qui ne le sont pas, des éléments de l’histoire mentionnés trop légèrement et qui ont été oubliés ou encore des éléments sur lesquels les lecteurs veulent en apprendre plus.

Cela m’a permis de tout de suite corriger le fond et la structure sans stresser sur le produit fini et de m’occuper de la forme plus tard, au niveau de la Beta. Cela a rendu mon travail plus efficace et plus méthodique sur les différentes étapes d'un texte. Sanderson dissocie clairement les étapes d’Alpha et de Beta lecture dans son processus de travail expliqué ici :


Autre effet majeur du groupe d’Alpha, annoncé par Sanderson: la mise en place d’un circuit de production et d’écriture. Rien qu’avec la soumission hebdomadaire, il me semblait évident qu’il allait falloir écrire régulièrement de nouveaux textes. Mais l’effet est en fait beaucoup plus profond que ce à quoi je m’attendais : c’est toute ma structure d’écriture qui se retrouve impactée et qui doit être revue et optimisée. En effet, non seulement il faut envoyer de nouveaux textes qu’il faut écrire, mais aussi les retours d’alpha s’accumulent rapidement et il faut planifier du temps pour les traiter et revoir les textes, puis les lancer dans un circuit de Bêta. Aussi, apparaissent les contraintes de calendriers décalés dues aux différentes longueurs de texte (il faut plusieurs mois pour passer entièrement un novella en alpha avant de commencer à la reprendre tandis qu’une nouvelle passe en une fois) et la nécessité de faire avancer simultanément plusieurs textes à différentes étapes tout en continuant à avoir suffisamment de matériaux nouveaux à présenter.

Bref, c’est finalement sur ce point que le groupe d’alpha a eu son impact le plus profond pour moi: il m’oblige à structurer mon activité d’écriture en plusieurs cycles simultanés.

J’ai été étonné de voir que ma chaîne de production est maintenant assez similaire à la sienne (lui sur des pavés moi sur de petits textes), ce qui dans le font fond était prévisible - les mêmes causes amenant les mêmes effets.

En conclusion, le groupe d’apha sandersonien est vraiment un excellent outil, qui demande pas mal de travail, mais que je conseils vivement.

jeudi 4 janvier 2018

Panorama de mes lectures favorites


Voici donc un aperçu de mes gouts actuels et de ce qui me plait dans chacun de ces livres, sans vraiment d’ordre. Je lis beaucoup et j'apprécie particulièrement les nouvelles. Il aurait fallu en rajouter d’autres, mais bon, cela en fait déjà 15…



1. Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq

Bien que lent, je ne pensais pas qu’il était humainement possible d’écrire aussi bien! Un style à tomber par terre…





2. Le Cycle d’Elric de Michael Moorcock

Un cycle noir et inégal qui sort l’héroïque fantasy de l’opposition bien/mal et qui amène dans le genre des questionnements philosophiques en une efficace tragédie épique.







3. Le Cycle des épées de Fritz Leiber

Un univers savoureux et décadent comme ses héros. Une Sword & Sorcery enfin détachée d’héroïsme pour des aventures à taille à humaine dans un monde hanté de sombre magie.





4. Anton Tchekhov, nouvelles

Pour sa puissance d’évocation, sa concision et la justesse de ses portraits de la nature humaine, particulièrement de la Russie.


5. Tschai, de Jack Vance

Je suis un très grand fan de Vance, de ses héros malins et de ses univers d’une richesse incroyable. J’ai longtemps pensé que Jack Vance n’était pas humain pour avoir une telle imagination. J'aime la plupart de livres de cet auteur et aussi particulièrement la saga de Cugel.




6. Le Cycle de Mars de Leigh Brackett

J'ai découvert récemment ce cycle de nouvelles et fut séduit par sa puissance narrative incroyable, son un monde plein de poésie et de nostalgie décadente.







7. Malpertuis de Jean Ray

Une langue incroyable et savoureuse qui emporte le fantastique vers la littérature. De plus cet nouvelle édition est tres jolie et respecte le texte original. Les contes du Whisky sont aussi excellents, comme beaucoup de Jean-Ray.





8. Heures d'Afrique de Jean Lorrain

Il fallait bien mettre un Jean Lorrain. Un style incroyable et des images formidables de l’Afrique coloniale de début du XIXe. Le tout sous l’œil sensuel et décadent de son auteur. Si je pouvais écrire comme quelqu’un, ce serait comme lui.





9. Chroniques martiennes de Ray Bradbury

Une très grande poésie qui sort la SF de ses ornières de l’épique.









10. Fondation d’Isaac Asimov

Une écriture simple, mais prenante et surtout un concept incroyable et bien développé : la psychohistoire. Après les deux premiers tomes le cycle perds toutefois de son intérêt.






11. Le ciel est mort de John Wood Campbell

Comment a-t-il pu écrire ces nouvelles à son époque ?? La bombe atomique, les vols supersoniques, etc. Un voyageur temporel a coup sur doublé d’un habile nouvelliste.






12. Solaris de Stanislas Lem

Il faut bien mettre un Lem, ce sera Solaris avec sa poésie triste et ses questionnements ouverts. Cet auteur à une imagination rare et fine.







13. Axiomatique de Greg Egan

Il faut bien mettre un Egan pour ses nouvelles percutantes sur les futurs remplis de génétique et de réalité virtuels. Presque de la hard Sf extrêmement bien mis en vie dans un style presque policier. Océanique et Radieux sont aussi tres bien.







14. Étoiles mortes de Dunyach

De la belle SF, sensible et poétique autour des fameux animaux-ville, une belle trouvaille pleine de finesse.







15. Histoire de la Rome antique, Lucien Jerphagnon

Livre d’histoire qui se lit comme un roman, et s’il faut mettre un livre d’histoire autant que cela soit sur l’incroyable épopée que fut Rome