vendredi 29 septembre 2017

Quand les nouvelles rapportent à défaut de se vendre…

Le paysage éditorial de la SFFF aux USA est très différent de celui de la France et ne peut être pris pour exemple tel quel ; toutefois, on peut être surpris de voir que certaines structures ainsi que les récentes évolutions américaines liées au numérique n’ont pour l’instant aucun écho en France.

En France, la plupart des éditeurs disent qu’ils croulent sous les soumissions de manuscrits et qu’il leur faut plusieurs années pour donner des réponses aux auteurs, les obligeant parfois même à fermer la réception de ceux-ci comme chez Bragelonne.

Aux USA, la situation est gérée par le passage par les agents qui font tout le travail de défrichage/filtrage dans les tonnes de soumissions. On remarquera aussi que ces agents vont pécher certains des nouveaux auteurs en regardant ce qui se passe dans les publications de nouvelles ; en particulier parmi ceux qui sont primés chaque année (Writer of the Futur, Nebula, etc.).

En France, les nouvelles n’intéressent pas les éditeurs, car cela ne se vend pas nous explique-t-on chiffres à l’appui – et ils n’ont pas tords quand on regarde les volumes vendus (une anthologie thématique se vend à peine a une centaine d’exemplaires chez Rivière Blanche).

Aux USA, les nouvelles se vendent certes, mais à des montants si faibles que personne ne peut peu vivre de la publication de nouvelles (contrairement à l’âge d’or) ; le secteur n’est donc pas non plus entièrement viable, du moins pour les auteurs. Toutefois, on assiste actuellement à un renouveau de l’achat de nouvelles avec de nombreux magazines en ligne qui n’ont pas de couts de production papier et qui peuvent aujourd’hui investir dans l’achat de textes.


Le cas de TOR.COM est, lui aussi, particulièrement intéressant — TOR est un des gros éditeurs de SFFF et ils font principalement du roman.
Toutefois, ils achètent maintenant en permanence des nouvelles pour leur site internet ; ils ont une équipe de sélection, des correcteurs, etc. Dans une grosse structure comme la leur, tout le monde est payé — on n’est pas dans l’amateurisme, mais dans une grande maison d’édition. Pourtant, ils ne vendent pas de nouvelles, eux non plus : ils les mettent gratuitement sur leur site !
Je ne suis pas un expert du business modèle de TOR, mais je ne pense pas que cela soit pour des raisons philanthropiques. Je pense qu’ils ont de bonnes raisons de le faire : cela donne du contenu frais à leur site, génère du trafic, attire des auteurs et des lecteurs, fait travailler de nouveaux auteurs, permet à beaucoup de monde d’acquérir de l’expérience dans les différentes étapes du travail des textes, etc. Bref, je pense qu’ils s’y retrouvent largement financièrement et économiquement en fin de compte et que ce n’est pas désintéressé comme activité.
Pour eux aussi, la nouvelle ne se vend pas, par contre, elle leur rapport visiblement, sinon ils ne continueraient pas à en acheter.

En France, étonnamment, aucun des éditeurs n’a encore mis en place une telle filière pour les nouvelles, les soumissions de manuscrit de livres n’ont toujours aucune présélection et restent engorgées, les sites web des éditeurs restent largement statiques et institutionnels.
Il faut espérer que certains d’entre eux tentent l’expérience et mettent finalement en place une filière pour les nouvelles francophones.

vendredi 8 septembre 2017

Les Nouvelles de SFFF, le désert francophone face à l’explosion américaine


Quand on écrit des nouvelles en français, secteur mort économiquement depuis plusieurs dizaines d’années disent les éditeurs unanimes, on ne peut qu’être perplexe face à la vivacité et au professionnalisme de ce domaine aux USA.

La filière y est très professionnelle et les revues dédiées à ce type de publication ont chacune une demi-douzaine de slush readers traitant la masse de nouvelles soumises. En plus des magazines papier classiques (Asmiov, Analog SiFi&Fantasy), s’ajoute maintenant la prolifération de sites web professionnels (TOR, Clarkesworld, Strange Horizons etc.) ou ces nouvelles sont achetées et publiées en quantité non négligeable. On écoutera le récent podcast de Wrtiting Excuses sur ce sujet :

http://www.writingexcuses.com/2017/08/27/12-35-short-fiction-markets-with-spencer-ellsworth-and-guest-host-beth-meacham/


Un système bien rodé de prix, dont Writers of the Future, permet aussi aux meilleurs auteurs de se démarquer dans ce secteur très compétitif et de décrocher des agents (indispensable aux USA), leur permettant de se professionnaliser. Un parcours bien expliqué dans cette serie de vidéoconférences :


On est tellement loin de cela en francophonie… Certes cela ne se vend pas, mais d’un autre côté existe-t-il même un savoir-faire éditorial francophone d’une qualité comparable ? Probablement pas, à part quelques rares exceptions ; le milieu de la nouvelle est animé par des bénévoles et des maisons de microéditions. On notera que les principaux magazines établis dans ce domaine sont d’ailleurs québécois : Solaris et Brins d’Éternité.
Dans ces conditions de production, la nouvelle de SF Fr ne se vend pas, certes, c’en est presque normal... C’est tout le problème de l’œuf et de la poule…

En attendant, je lis beaucoup de nouvelles et continue à en écrire de temps en temps pour le public restreint du microcosme irréductible de la nouvelle francophone…